Les recherches menées sur l’enseignement public élémentaire dans les Alpes-Maritimes dans l’entre-deux-guerres permettent de dégager des perspectives intéressantes.
En premier lieu cette étude conduit à préciser les caractères du milieu géographique humain du département. Celui-ci ne se résume pas à l’image d’une Côte d’Azur cosmopolite et luxueuse. Les Alpes-Maritimes comprennent certes un littoral dynamique et ouvert, attirant des nouveaux habitants souvent accompagnés d’enfants, pour qui doivent être créées des écoles. Mais le département présente également un moyen et haut-pays dans lequel subsistent de nombreux villages et hameaux souvent très isolés et en voie de dépeuplement. Les autorités académiques essayent de maintenir des écoles dans les petites communes que les enseignants cherchent généralement à fuir.
Cet ouvrage permet également une approche des mentalités. Elle apporte des précisions sur l’absentéisme scolaire qui n’est pas en contradiction avec l’attachement de parents pour maintenir une école même dans de modestes hameaux. L’esprit localiste, très vivant, se traduit par l’attachement au maintien des écoles normales et par le refus des instituteurs de s’exiler dans d’autres départements.
La présente étude éclaire l’histoire des instituteurs notamment dans le domaine du recrutement des élèves dans l’école normale, le déroulement des carrières et de règles de mutations. L’engagement politique et syndical notamment au sein du Parti communiste conduit à certains maîtres à s’opposer à l’administration. C’est le cas, entre autres, de Virgile Barel
Dans les Alpes-Maritimes l’école se trouve dans une situation intermédiaire entre tradition et modernité. La tradition est incarnée par l’état vétuste des écoles et du matériel pédagogique dans le haut-pays, par l’architecture imposante des nouveaux bâtiments, par les valeurs que transmet l’école, mais une réelle ouverture se fait jour au travers de constructions et d’agrandissements par le recours à des moyens pédagogiques nouveaux, comme le cinéma, par l’expérimentation de méthodes nouvelles comme celle de Freinet, par le souci hygiéniste.
En somme entre 1919 et 1939, les Alpes-Maritimes peuvent être définies comme une sorte de laboratoire dans lequel se confrontent deux conceptions de l’école, deux cultures et deux univers.
Youssouf Abderemane est originaire de Chezani, aux Comores, où il a été professeur d’histoire et de géographie. Titulaire d’un DEUG d’histoire de l’Université d’Antananarivo (Madagascar), il a poursuivi des études à l’université de Nice-Sophia-Antipolis où il a obtenu une licence et un master en histoire moderne et contemporaine, puis un doctorat en histoire contemporaine. Sa thèse a été couronnée par le Prix Départemental de la Recherche Historique 2016.